27 janvier 2008
7
27
/01
/janvier
/2008
21:05
Vous vous fiez à l’ordre actuel de la société sans songer que cet ordre est sujet à des révolutions inévitables, et qu’il vous est impossible de prévoir ni de prévenir celle qui regarde vos enfants. Le grand devient petit, le riche devient pauvre, le monarque devient sujet ; les coups du sort sont-ils si rares que vous puissiez compter d’en être exempts ? Nous approchons de l’état de crise et du siècle des révolutions. Qui peut vous répondre de ce que vous deviendrez alors ? tout ce qu’ont fait les hommes, les hommes peuvent le détruire ; il n’y a de caractères ineffaçables que ceux qu’imprime la nature, et la nature ne fait ni princes, ni riches, ni grands seigneurs. Que fera donc, dans la bassesse, ce satrape que vous n’aurez élevé que pour la grandeur ? Que fera dans la pauvreté ce publicain qui ne sait vivre que d’or ? Que fera, dépourvu de tout, ce fastueux imbécile qui ne sait point user de lui-même, et ne met son être que dans ce qui est étranger à lui ? Heureux qui sait alors quitter l’état qui le quitte, et rester homme en dépit du sort ! Qu’on loue tant qu’on voudra ce roi vaincu qui veut s’enterrer en furieux sous les débris de son trône : moi je le méprise ; je vois qu’il n’existe que par sa couronne, et qu’il n’est rien du tout s’il n’est roi : mais celui qui la perd et s’en passe est alors au-dessus d’elle. Du sang de roi qu’un lâche, un méchant, un fou peut remplir comme un autre, il monte à l’état d’homme, que si peu d’hommes savent remplir...
Jean-Jacques Rousseau “l’Emile” (1762)
Merci à Madame Machin...